Olivier Krumbholz

Le vrai moteur de la motivation, c’est l’enthousiasme

Dans cette interview exclusive, Olivier Krumbholz, entraîneur de l’équipe France féminine de handball, aborde pour Signature le management de la performance dans le sport de très haut niveau.

Signature : « Comment gérer la performance de l’individu au sein d’un collectif ? » 

Il y a une interaction permanente entre performance individuelle et collective. J’estime que l’accompagnement individuel est fondamental pour amener les joueuses à être performantes. J’ai une formule : ‘ On cesse d’être bon quand on renonce à être meilleur’. Pour viser l’excellence, j’ai décidé d’une prise en charge de plus en plus personnalisée.
Par exemple sur les sessions d’analyse vidéo, très importantes dans le sport. Souvent collectives, elles peuvent aussi se tenir par joueuse, ce qui permet à l’athlète de mieux travailler sur lui-même, sur son jeu. Tout le monde ne fonctionne pas ainsi.
D’autres mettent l’accent sur le collectif. Mais pour qu’une joueuse progresse, il n’y a pas de secret. Vous devez obtenir son respect. Et pour cela, vous devez lui montrer que vous cherchez des solutions pour que son jeu s’améliore.

Le handball est une aventure humaine à plusieurs. Chaque joueuse peut douter, quel que soit son niveau. D’autant plus que le jeu va très vite. Sur le terrain, elles doivent traiter des informations en permanence, à une vitesse sidérale. La confiance en soi est fondamentale pour réussir dans ce contexte. Le moindre temps d’hésitation génère un échec sur une phase de jeu, et le doute peut s’instiller. Et quand une joueuse plonge mentalement, elle perd la fluidité de geste.

Signature : « Avez-vous des recettes pour maintenir une performance dans la durée ? »

Rester constant sans tout le temps gagner, maintenir un niveau d’ambition à son plus haut niveau, c’est le plus difficile.
Le succès peut amener à une surestime de soi, à oublier les efforts nécessaires à fournir pour réussir. Certains athlètes peuvent aussi croire qu’ils sont devenus dépositaires d’un savoir-faire de réussite.
Or, en équipe de France, on ne refait jamais ce que l’on a accompli la fois d’avant. Même s’il ne faut pas tout remettre en cause tout le temps. Une recette ? Veiller à un équilibre. Si vous ne changez jamais rien, ce n’est pas bon. Et si vous changez tout, tout le temps, tout le monde est perdu.

Prendre l’avis des joueuses, leur ressenti, peut apporter un plus. À condition de donner autant la parole aux jeunes joueuses qu’aux plus expérimentées. Les deux revêtent leur importance. Cela dit, le coaching participatif doit être bordé, et ne signifie pas la disparition de l’autorité du coach.

Signature : « Comment intégrer les nouvelles générations au fil des années ? »

Les choses se déroulent naturellement, dans 80 % des cas. Certaines jeunes joueuses manquent d’empathie, au départ. C’est normal, mais il faut débloquer ces situations.
Nous avons recours à du coaching, sur le plan mental et cognitif. Le préparateur mental intervient sans le staff. Il encourage la libération de la parole des joueuses. C’est important que chacune puisse entendre le ressenti, les émotions, les difficultés des autres. Telle joueuse croît connaître sa partenaire, alors qu’elle ne se rend pas forcément compte des difficultés traversées par celle-ci.

Ces moments de partage donnent beaucoup de force aux joueuses. Ils sont réguliers, mais pas non plus quotidiens ! La dimension symbolique doit être préservée. Pour l’intégration des nouvelles générations, les joueuses matures sont également très utiles. Le handball demandant un investissement physique très élevé, les joueuses plus âgées savent ce qu’apporteront à l’équipe le punch, la vitesse, l’explosivité des jeunes. Voilà une belle complémentarité, que nous encourageons. Les messages doivent aussi passer entre elles, et ne pas venir que de mon staff ou de moi-même.

Signature : « Comment gérer la contre-performance individuelle et l’échec ? »

Face à la contre-performance, il faut, surtout, ne pas culpabiliser l’athlète. Une joueuse qui vit cette situation a déjà tendance à culpabiliser, car elle sait que sa prestation impacte l’équipe. Les relations doivent rester stables, même en cas de difficultés de la joueuse. Sinon, on renforce la difficulté.

Dans le sport de haut niveau, deux sentiments doivent être évacués : l’angoisse et la culpabilité. Nos réponses sont à la fois techniques, par le coach, et psychologiques, avec le préparateur mental.
Les deux travaillant de plus en plus ensemble : l’athlète est une seule et même personne. Le mental agit sur la maîtrise technique, la forme physique sur le mental…
La joueuse est abordée en même temps par les accompagnants, pour éviter qu’elle ne reçoive des informations contradictoires. Et, bien sûr, nous aidons à relativiser. Le hand fait partie de la vie, mais n’est pas la vie. Le message est clair : on ne peut pas gagner ni performer tout le temps, sauf à posséder des moyens très supérieurs aux autres, ce qui est rare.

Signature : « Comment entretenez-vous la motivation d’équipe ? »

La spécificité de mon poste, c’est que je ne vois les joueuses que tous les 3 ou 4 mois. Le reste du temps, elles évoluent dans leurs clubs respectifs. C’est très frustrant ! Heureusement, les visioconférences nous permettent de garder le lien. Nous faisons tout pour que l’équipe de France soit toujours ouverte, même à distance. Une plateforme vidéo, à travers laquelle nous débriefons les images de matchs, a par exemple été créée. Et nous nous déplaçons pour voir les joueuses en match, avec leurs clubs.

La communication reste une préoccupation de tous les instants. En présentiel, j’attache beaucoup d’importance à la communication non verbale, à travers une attitude dynamique, ouverte.

Un groupe vit d’autant mieux si chacun sourit, est stable au niveau émotionnel. Il y a déjà beaucoup de stress dans le sport de compétition. Ce n’est pas la peine d’en rajouter par une attitude négative.

Côté valeur, je mets en avant le respect et une relation de complicité. Je ne suis pas l’ami des joueuses, et ce ne serait pas souhaitable, mais nous rions ensemble, partageons de bons moments. Boire un verre, oui, mais pas une soirée jusqu’à 2 heures du matin (rire) ! Car cela empièterait dans le domaine de leur vie privée. De même que je ne vais jamais sur leurs comptes personnels sur les réseaux sociaux. C’est leur espace. Je n’ai pas à y être. Pour communiquer, on a les mails, le téléphone, WhatsApp… cela suffit !

J’ai 62 ans, et une longue expérience dans le milieu du handball, comme joueur puis comme entraîneur. À mon âge, je me dois de leur apporter de la stabilité et du recul. Au final, le vrai moteur de la motivation, c’est l’enthousiasme !

Toute équipe qui n’est plus enthousiaste de jouer est en danger. Et il faut alors s’interroger sur les raisons qui ont amené à cette perte d’enthousiasme. En étant lucide, car les causes sont toujours multiples. Lors du dernier championnat du monde (au Japon, en 2019, 13e place, alors que la France était tenante du titre), nous manquions d’enthousiasme, et cela nous a pénalisés. Là (octobre 2020), nous nous sommes revus après 10 mois de coupure liés à l’épidémie de Covid-19, et la flamme était revenue. L’échec avait été soldé. Nous savons déjà toutes et tous qu’il nous sert et nous servira.

Repères
Fédération Française de Handball
Profils Systèmes – Partenaire de la Fédération Française de Handball et Fournisseur officiel de l’équipe de France Masculine de Handball

2 réflexions au sujet de « Le vrai moteur de la motivation, c’est l’enthousiasme »

  1. Bonjour,
    je suis Arnaud Le Louette, Entraineur de Managers – Coach – Préparateur Mental.
    Je viens de découvrir votre article. J’aimerais pouvoir le relayer sur mon site internet (www.a2lconseil.fr) pour faire le lien avec le management de la performance entreprise. Est-ce ok pour vous ?

    Bien cordialement, sportivement,

    Arnaud LE LOUETTE

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