C’est le dernier fabricant français de montres de luxe. « On vit comme Astérix : retranchés !, ironise Bernard Richards, 61 ans, créateur, en 2003, de Bernard Richards Manufacture (BRM) Chronographes, à Magny-en-Vexin (Val-d’Oise), à côté de Paris. Ici, le maître-mot, c’est : ‘on se débrouille’. » Et il se débrouille plutôt bien. BRM Chronographes réalise un chiffre d’affaires de 3,2 millions d’euros et emploie 25 salariés.
Les boîtiers des montres BRM Chronographes sont usinés dans des barres de titane de 3 mètres de long. L’outil industriel est composé de 14 machines à commande numérique. Les compagnons y fabriquent pratiquement tout : boîtes, fonds, poussoirs, couronnes, vis, boucles, cornes… « Nous aimons bien notre indépendance, sourit ce véritable passionné, diplômé de l’école d’horlogerie de Paris en 1986.
L’usine me coûte cher, mais moins que d’être arrêté par des retards de fournisseurs. Et l’absence d’une seule vis stoppe toute la production ! » Seuls éléments finis qu’il achète, « les peaux de crocodile pour les bracelets en cuir et les verres des montres ».
Indépendance, également, face aux clients. Pendant « des décennies », Bernard Richards a exécuté de l’usinage numérique pour les grands groupes de luxe, en tant que sous-traitant. « Outre des montres, nous produisions des stylos, des briques, des pendules, des plaques de propreté, des pièces pour la Formule 1, des volants de voiture de course… On me demandait toujours de faire mieux pour moins cher, et eux dégageaient les profits. »
Au début des années 2000, Bernard Richards, alors âgé d’une quarantaine d’années, réoriente la stratégie et se concentre sur la fabrication de montres, maîtrisée de bout en bout.
Chaque montre BRM Chronographes est unique
Chaque modèle est usiné, brossé, poli, fini, monté « de façon unique, en fonction de la demande du client ». Ses initiales sont gravées. Avec une ambition, assez logique pour ce féru de sport mécanique : que chaque montre BRM Chronographes « ressemble à des voitures de course », en termes de performance et d’excellence technologique. Au début, le succès est venu « un peu par hasard », admet-il. « Un de mes points de vente m’a indiqué que certains clients souhaitaient des aiguilles de couleur sur leur montre. A l’époque, cela n’existait pas. Nous avons alors proposé des aiguilles jaunes, oranges et rouges. Le marché a immédiatement répondu présent. Une montre sans couleur, c’est comme un enterrement ! »
Concurrence mondiale
Aujourd’hui, les montres automatiques BRM Chronographes figurent parmi les plus légères du monde. La manufacture, qui évolue dans un environnement ultra-concurrentiel, reste à l’affût. « Le client qui souhaite investir 5 000 euros, ou plus, dans une montre, a pléthore de choix, en matière de technique, de design, de couleur… Tout importe pour le convaincre, explique Bernard Richards. L’accompagnement, la façon dont on lui parle, l’endroit où on lui présente le projet, le SAV qu’on lui apporte. Le facteur humain compte beaucoup. Nous sommes très proches des clients, avec notamment 350 manifestations par an. »
Pour les golfeurs, BRM a mis au point un mouvement de montre spécifique, permettant d’éviter l’emballement de la masse de rotor (ou masse oscillante) lors des mouvements, parfois violents, du poignet. « Une recette miracle qui nous a demandé beaucoup de temps, mais dont nous sommes très fiers », confie-t-il.
Deux sites de production
La production est répartie sur deux sites : mécanique horlogère et usinage à Magny-en-Vexin (site de 450 m2), et horlogerie pure (montage et décorations manuelles des mouvements) à côté de Beauvais. « Depuis vingt ans, nous sommes à la pointe de la technologie. Jusqu’à 11 axes, nous pouvons tout usiner, détaille Bernard Richards. L’horlogerie fourmille de détails. La montre est un métier de très grande spécialisation, avec des cotes très petites, et beaucoup de pièces venant s’ajuster dans un espace extrêmement réduit. »
BRM Chronographes regorge de savoir-faire rares. Des métiers sur mesure, à l’image de ses montres : programmeurs numériques, horlogers, décoratrices, postes de gravure… « Nous formons nos équipes en interne », indique le gérant, actionnaire à 100 %. BRM, un profil idéal pour postuler au label Entreprise du Patrimoine Vivant ? Interrogé à ce sujet par Signature, Bernard Richards répond par l’expectative. « On y pense. J’ai pris le dossier, mais quand j’ai vu son épaisseur… Si vous devez retenir une devise dans votre article : ‘Je vends du temps, c’est mon pire ennemi !’ Je traite mes premiers mails à 6h, et finis à 22h30. »
Quand il aura 70 ans, promis, il prévoit de lever « un peu » le pied. « Je n’ai pas envie de voir grossir l’entreprise. Nous vivons très bien ainsi, et je ne vais pas aller voir les banques à mon âge ! » Avant de revendiquer, à nouveau et avec fougue, son indépendance. « Mon métier, c’est de l’amour… »
Reconnu dans les sports mécaniques et le golf
BRM Chronographes s’est imposée comme l’une des marques de montre préférées des amateurs de sports mécaniques et de golf. Certains clients, propriétaires d’écuries de Formule 1, ont inscrit BRM sur les bolides, par simple coup de cœur, sans contrepartie financière. Un emplacement publicitaire inespéré, « alors que les autres mettent des millions pour y figurer », observe avec gourmandise Bernard Richards.
Ses actions de communication ne se limitent pas à cette anecdote. Une newsletter mensuelle est publipostée à des centaines de milliers de contacts. Les sports mécaniques, toujours, y sont omniprésents : championnats (Ligier Cup, Fun Cup, F4 aux Etats-Unis, F3 en Europe…), salon de l’auto, challenges… « Il faut être proche des gens et les informer », souligne le dirigeant. Lui-même a beaucoup roulé – karting, motos, autos… Aujourd’hui, « les casques sont raccrochés. Mes passions sont plutôt mon tracteur, mes chiens et mes poules », plaisante celui qui, enfant, voulait être fermier ou mécanicien moto.
Repères
www.brm-manufacture.com
Crédit photos : Richard Sprang