Des guitares, des basses et des lap steel électriques en aluminium, made in France, fabriquées depuis dix ans par des mains d’or en Côte-d’Or.
A 42 ans, Bertrand Dufour, ébéniste de métier, originaire de Bourgogne, conçoit des guitares pour des artistes de renommée internationale : CC’ (Shaka Ponk), Skip the Use, Nikko (Eiffel), Serge Teyssot Gay (ex Noir Désir), Yodelice, John Butler, Claude Whipple, Tryo, Indochine, Manu Lanvin, Dot Legacy, Arno Servoz, 11Louder, Scott Holiday (groupe Rival Sons), Billy Gibbons (ZZ Top), Keith Richards (Rolling Stones), Matthieu Chedid et son bassiste, ou feu Johnny Hallyday, pour son Born Rocker Tour de 2013. Cette dernière commande a exigé « 400 heures de travail, et je n’ai eu qu’un mois et demi ! », rembobine Bertrand Dufour.
Il avoue un coup de cœur pour la 2ème guitare de Scott Holliday, réalisée en 2017. « Un gros format, avec de la tôle en cuivre. Il m’a laissé carte blanche. C’est le modèle le plus abouti au niveau du design et de la finition.»
Aluminium et bois
Le choix de l’aluminium provient de la découverte de la presque centenaire Frying Pan (Rickenbacker & Beauchamp-1932). Cette guitare, la première à être électrique, était réalisée en aluminium massif.
« Au fur et à mesure de nos tests, nous avons compris tout l’intérêt de cet alliage. Sa densité trois fois supérieure à celle de l’ébène apporte énormément de sustain (capacité d’un instrument à maintenir un son dans le temps après avoir été joué), de dynamique et de précision, précise Bertrand Dufour. Enfin, l’aluminium étant amagnétique, le champ magnétique des micros n’a jamais été aussi bien respecté et empêche tout bruit parasite. » Le manche en bois apporte de la rondeur et de la chaleur.
« Les Guitares MeloDuende sont réglées comme une Formule 1, tant elles sont précises ! », sourit Bertrand Dufour. Elles ne pèsent que 3,5 kilogrammes en moyenne.
Guitares MeloDuende, des modèles uniques
« Tout est réalisé sur mesure : la tête, le corps, le manche… » La philosophie de la maison place le musicien « au centre de la conception de sa guitare. Je réponds à ses attentes, le conseille. Ce qui compte avant tout, c’est que son instrument lui corresponde. »
Chaque pièce des Guitares MeloDuende est unique, insiste l’artisan, qui s’inspire de son grand-père, qui était ébéniste, et de son beau-père, qui exploitait un atelier de mécanique de précision. Dans son petit atelier de 20 m2, près de Semur-en-Auxois, au cœur de la Metal Valley, d’où sortent une trentaine de guitares chaque année, il délivre quelques secrets de fabrication.
« La table et le dos de l’instrument sont soudés, et les barrages situés entre les deux, pour la conductivité du son. Le barrage établit la liaison entre le talon du manche et le switch de la guitare. »
Alors que l’atelier a un an et demi de carnet de commandes devant lui, Bertrand Dufour cherche un jeune alternant pour transmettre son expertise. « Personne ne détient ce savoir-faire, glisse-t-il. Et je ne voudrais pas le voir péricliter… » En ajoutant avec une note d’humour : « Je ne cherche pas un guitariste ! Mais un touche-à-tout, créatif, titulaire d’une formation de chaudronnerie, maîtrisant le travail de la tôle et de la soudure. »
Les compétences requises englobent en effet plusieurs métiers : lutherie traditionnelle, mécanique de précision (fraisage et tournage), soudures aluminium (« qui doivent être stériles »), électronique… et une bonne dose de créativité, entre les images des futurs modèles réalisées après les discussions avec les clients, la mise à jour de la photothèque et du site internet.
Échanges avec les musiciens
Chaque création résulte de nombreux échanges avec le musicien. « J’analyse le style de musique, me familiarise avec la personnalité du client, et nous avançons sur un projet. Le site web valorise des dizaines de design, pour aider dans les choix. »
Le client choisit « absolument tout » : mise en forme, finitions (les guitares et basses peuvent être peintes, vernies, brossées, anodisées…), soudure du corps de la guitare, ponçage, finition, fabrication des plaques, installation du micro, finition pure (ponçage, brossage), puis phase électronique et réglage (tension du manche, hauteur des micros, hauteur des cordes et des chevalets).
Ce travail d’orfèvre exige au moins un an, entre le premier contact et la livraison. Le prix final oscille, pour une commande classique, entre 5 000 et 13 000 euros. Certaines demandes « un peu folles » posent des défis techniques. « Un client souhaite des feuilles d’or. Je ne sais pas comment je vais m’y prendre ! », s’amuse Bertrand Dufour. Il lui arrive de refuser certaines options, pour des raisons éthiques. « Comme, par exemple, ce souhait de modèle avec des défenses d’éléphants. »
Au fait, pourquoi MeloDuende ?
Ce mot andalou renvoie à l’état de grâce ou à la transe d’un musicien quand il réalise une performance artistique. « Cette magie opère entre le musicien et le danseur, ou entre les danseurs. La communication ne passe que par la musique, avec un charme impalpable », conclut joliment Bertrand Dufour, lui-même d’origine espagnole
Un parcours éclectique
Le savoir-faire artisanal et artistique de Bertrand Dufour est à l’image de son parcours diversifié. Compagnon, ébéniste de métier, il est titulaire d’un DESS en design industriel et conception de produits.
D’abord designer chez Schneider Electric pour les produits de distribution tertiaire, il a ensuite travaillé dans une ébénisterie, puis dans l’agencement intérieur de bateaux et de villas haut de gamme, dans le Sud.
Avant de lancer MeloDuende en 2009, avec son frère. Et l’aventure continue : la petite entreprise cherche un atelier plus grand, pour y installer notamment une fraiseuse manuelle. Le site web va devenir multilingue (anglais-français-chinois), et la présence sur les réseaux sociaux est travaillée, avec près de 6 000 abonnés sur Instagram.
GUITARES MELODUENDE
Photos : Meloduende
J’ai fabriqué le luthier… 🙂