Plateau médico-technique du CHU Martinique : chantier complexe mais pari tenu !

Le nouveau plateau médico-technique de l’hôpital Pierre Zobda-Quitman (CHU de Martinique) de Fort-de-France, qui se caractérise par la forme triangulaire du bâtiment, a dû répondre à des contraintes antisismiques extrêmes, une morphologie de terrain particulière et de nombreuses liaisons fonctionnelles. Pari gagné !

Pourquoi un triangle pour le plateau médico-technique ?

La forme du terrain, le dénivelé, les contraintes antisismiques et la complexité intrinsèque du projet – plateau médico-technique d’un hôpital – ont induit ce choix architectural. Le risque sismique a été traité avec la plus grande rigueur.  « Le triangle est la seule forme qui soit stable. Elle permet au bâtiment d’être rigide, de pouvoir bouger sur un système de ressorts, sans se déformer », explique Bernard Cabannes, associé de l’agence SCAU (Paris). À la base du bâtiment se trouvent : isolateur, mur de soutènement et vide sanitaire. Les façades en béton font 70 cm d’épaisseur, ce qui répond à la fois aux enjeux sismiques et énergétiques – isolation par rapport au soleil. Le fait que le bâtiment soit constitué d’un seul bloc permet par ailleurs l’absence de joints de dilatation, et garantit une meilleure hygiène. Un élément déterminant en milieu médical.

Le triangle est aussi « une forme simple et reconnaissable, qui donne l’image d’une entité homogène et rassurante, et qui s’intègre dans le bâti existant », ajoute Bernard Cabannes. La compacité du projet optimise les distances entre les services. La qualité d’organisation des flux et la lisibilité des accès réduit le stress des patients, des visiteurs et du personnel et apporte du confort et des économies.
À l’intérieur, les circulations se veulent claires et les différents circuits bénéficient de la lumière naturelle. Les locaux s’ouvrent sur des patios et les chambres profitent de vues sur les paysages en périphérie du bâtiment. Le projet n’a pas été réalisé en BIM : « la conception remonte à 2011 », rappelle Bernard Cabannes. Il n’en est pas moins ultra-performant. Le plateau est ainsi conçu pour être opérationnel juste après un séisme, avec maintien de l’électricité et absence de fuites d’eau.
La maîtrise du temps a été une préoccupation constante sur le chantier, en anticipant par exemple le temps de livraison de certains éléments, du fait des déchargements de bateaux. L’architecte souligne le rôle du maître d’ouvrage (l’hôpital), « qui a su gérer le dialogue et contenir les modifications, lesquelles sont un facteur de dérapage important. Les prix et les délais ont été tenus, ce qui est exceptionnel aux Antilles pour un chantier de ce type ».

Pour l’anecdote, SCAU a peiné à trouver la couleur du bâtiment. « Nous avions choisi une couleur orangée. Mais il ne fallait pas qu’elle soit trop sombre : les couleurs plus sombres chauffent davantage que les claires, et peuvent créer des dilatations dans le béton », détaille Bernard Cabannes. Difficile de trouver le juste milieu. À tel point que SCAU a failli abandonner l’orange pour se rabattre vers un beige clair plus classique. « En cherchant dans les catalogues des fabricants, nous avons trouvé in extremis une teinte orange répondant au facteur solaire », se souvient l’architecte.

Cet édifice a été financé en partie par l’Europe. Le chantier a reçu la visite d’une délégation de 25 députés européens, au printemps 2016.

Un châssis reproduit des centaines de fois

Particularité du chantier : la façade comprend un seul type de châssis aluminium, multiplié plusieurs centaines de fois. « Il y a eu un travail très fin avec Socomi (sous-traitant de Sogea, spécialisé dans la fabrication et pose de menuiseries, fenêtres et portails en aluminium) pour que le châssis s’encastre dans la façade, et soit partiellement masqué derrière le béton », précise Bernard Cabannes. La mise au point du prototype a duré un mois et demi, avec une marge de manœuvre pour l’architecte. « En conception-réalisation, où il faut concilier l’architecture, les délais et les coûts, l’entreprise n’est généralement pas très ouverte aux choix esthétiques. Mais pour ce projet, les châssis en aluminium étaient l’unique élément architectural de la façade », ajoute-t-il.

Selon Frédéric Pierre, Responsable de production chez Socomi, « Profils Systèmes nous a aidé à décrocher le marché auprès de Sogea, en nous faisant bénéficier de bons tarifs ». La PME martiniquaise (65 salariés, chiffre d’affaires de 10 millions d’euros) a développé des profilés sur la base de la gamme Toundra de Profils Systèmes, pour les adapter aux spécificités du chantier du CHU. « Nous avons épaissi les dormants et développé une bavette tubulaire autoportante, pouvant se poser après coup », observe le technicien. Socomi a aussi développé des raidisseurs capables de résister aux cyclones. Autre spécificité du chantier : pour des zones comme les blocs opératoires, « très peu de profilé dépasse des vitrages lourds, afin que la poussière ne se dépose pas ». Socomi a compensé « en déportant le verre à l’intérieur, pour respecter les normes d’hygiène ».

Le chantier représente, au total, 1.700 menuiseries aluminium fabriquées et posées. Socomi a mobilisé quatre personnes pendant un an pour tenir la cadence. Profils Systèmes est le fournisseur de l’entreprise depuis plusieurs années. « J’apprécie chez Profils Systèmes la technicité et les contacts commerciaux. Ils ont un très bon service export, ils savent répondre, savent se montrer réactifs et présents », confie Frédéric Pierre à Signature.

Les cinq niveaux du « triangle »

L‘organisation horizontale des plateaux assure flexibilité et modularité interne (prise en compte les évolutions futures).

– Rdc : pharmacie Caisson hyperbare.
– Niveau 1 : biologie / stérilisation.
– Niveau 2 : urgences / Unité d’hospitalisation de très courte durée / Imagerie.
– Niveau 3 : soins critiques / explorations cardio-vasculaires.
– Niveau 4 : bloc opératoire / radio interventionnelle / cardiologie / chirurgie cardio-vasculaire / cardiologie hémodynamique.
– Niveau 5 : hospitalisation complète de neurologie / neurochirurgie / chirurgie d’urgence.

SCAU : une agence pointue et internationale

L’agence SCAU emploie 60 salariés (principalement des architectes), pour un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros en 2016. Secteurs de prédilection : équipements culturels, stades, hôpitaux, universités, logements, bureaux, commerces, ouvrages d’art, urbanisme, jusqu’au design et l’aménagement intérieur. L’agence est active en France et à l’international (Chine, Italie, Qatar, Afrique du nord). SCAU favorise les échanges transversaux grâce à ses nombreux collaborateurs architectes, ingénieurs et graphistes. La performance environnementale d’un projet « relève bien souvent de techniques simples et pérennes, plutôt que de systèmes technologiques condamnés à devenir obsolètes », selon l’agence. Après le Stade de France, le Grand Louvre ou l’hôpital Georges Pompidou, l’agence multiplie les références prestigieuses : hôpital Suspidol à Luxembourg (en cours), hôpital Beauperthuy en Guadeloupe (en cours), Stade Océane au Havre (2012), stade Vélodrome à Marseille (2014), Rectorat de l’Académie de Lille (en cours), siège social de Sanofi à Lyon (en cours), Quai des Savoirs à Toulouse (2016), ministère de l’Écologie à Paris (2014)…

REPÈRES
Architecte mandataire : SCAU (75) PARIS – www.scau.com
Maîtrise d’ouvrage : CHU de Martinique
Mandataire du MOA : Groupement Semaff (mandataire) / Icade Promotion
AMO technique : Setec Bâtiment
Mandataire du groupement : Sogea Martinique
BET : SNC Lavalin
Entreprises : Cegelec, Comabat, SIMP
Menuiseries Profils Systèmes : Gamme Toundra®
Couleurs : RAL 7043, RAL 7037
Fabricant Installateur : SOCOMI (97) MARTINIQUE – socomi@socomi.mq
Photos : © SCAU Architectes, Autrevue, Perspecteur, Platform, Luc Boegly