Magi Puig de lumière

Peintre catalan subjuguant par sa lumière et la composition de ses tableaux, Magi Puig envisage son art figuratif comme une porte ouverte à la poésie.

S’il était une figure de style, Magi Puig serait un oxymore. Aussi orgueilleux que Dali fut humble, ce fils d’agriculteurs revendique la discrétion de l’artiste, mais la fulgurance de ses tableaux, jeu permanent d’ombre et de lumière, l’inscrit bel et bien dans la tradition des peintres catalans. Observer Magi Puig en pleine introspection devant son chevalet. Ce pourrait être un tableau dans le tableau, vision symbolique de son talent pictural.

Tout autour de lui, des pinceaux alignés en rangs serrés, plusieurs pots remplis de pigments, une étagère supportant les génies de l’histoire (livres sur Miro, Van Gogh, Vermeer…), plus des dizaines de toiles, soigneusement protégées aux quatre coins des murs avant d’aller orner les galeries de Barcelone, Paris ou Montpellier. Chaque chose à sa place, dans une illusion de fatras.

L’atelier de Magi Puig, cet antre où figuratif et accent baroque se tiennent par la main, est une leçon de géométrie, de « cadrage », son mot fétiche. Et puis il y a la lumière, ces rais de soleil infiltrant la pièce à travers le store de deux immenses fenêtres, lumière méditerranéenne omniprésente dans son œuvre qui lui valut, un jour d’exposition à Madrid, d’être catalogué « artiste catalan ».

L’éclat hypnotisant de sa peinture, sans doute. Qui évoque à la fois une madeleine et la passion de l’instant, la langueur de l’été et la virtuosité d’une scène de marché, les plages bondées d’Altafulla et l’intimité de son cocon à Tàrrega. Magi Puig est un peintre de la dualité, l’éphémère et l’apesanteur réunis. Il dit les choses simplement : « Je travaille sur la quotidienneté, j’essaie de trouver de la poésie, de la magie sur la vie. En principe, je choisis de travailler sur l’espace, j’aime travailler les corps dans l’espace, les contrastes. Peindre un sujet très actuel mais d’une façon baroque, comme Caravage. Avant, les artistes travaillaient les Venus, la mythologie, mais ce n’est pas nécessaire. Tu peux trouver les personnages dans la nature et des scènes ordinaires. »

Né le 17 novembre 1966 à Palau, à une centaine de kilomètres de la lumineuse Barcelone, l’étudiant Puig, passionné depuis tout petit par le dessin, sort diplômé de l’Université des Beaux-Arts de Sant Jordi, en 1989. Parcours classique. Ses premiers coups de pinceaux le sont moins. « Adolescent, j’adorais la bande-dessinée et les Français, Enki Bilal, Moebius, Tardi… De Moebius, j’ai appris l’importance de la construction, la poésie de la ligne. Pour moi, le dessin, c’est l’architecture. Il faut une bonne structure. »

Mais la fac a aussi ses désagréments, genre passion contrariée. « Je suis dans une ligne figurative et, à cette époque, ce n’était pas apprécié par les profs. Je n’étais pas à la mode car, pour être moderne, il faut être abstrait. C’est dur de travailler dans une ambiance hostile. » Ça marque aussi une signature. 2008 : Magi Puig s’affiche à la galerie Sticoff de New York. Sans doute le peintre confirmé, qui vit aujourd’hui de son art – ses tableaux sont cotés entre 3000 et 5000 euros – s’est-il félicité d’avoir jeté toute ambition de carrière dans les cartoons. Car au beau milieu de ses études, il a découvert la couleur.

Immenses aplats, sensation de vertige

Corail, blanc, bleu, palette de nuances… Ces immenses aplats dans lesquels il fond ses histoires, immensité du vide remplie de l’anonymat de ses personnages, suscitent l’émotion brute et la nostalgie de l’enfance. Magi Puig peint souvent ses fils, belle inspiration.

Il a surtout sa propre touche. « Chaque fois que je travaille de grandes surfaces, j’aime faire la couleur moi-même. Au début, j’ai commencé avec la peinture acrylique, mais l’huile est plus riche. Comme je travaille sur plusieurs couches, il faut faire attention que ça sèche bien, mais c’est ce qui me convient le mieux (il peut faire des glacis et construire. L’acrylique sèche trop vite pour faire des effets transparents). » Les techniques mixtes ? « Une fois, j’ai fait un truc avec papier, mais je trouve que les collages, c’est gratuit. Je suis vite revenu à la peinture pure. »

En revanche, il concède une passion pour la photo (José Roca-Sastre et Ramon Masats notamment), source d’inspiration et support de travail indispensables à la genèse de ses tableaux. Magi Puig se dit lent au labeur – il peint huit heures par jour, jamais le soir –, c’est ainsi que la photo lui offre un temps de maturation infini. Clic-clic, quelques clichés, toujours pris en plan large et sans considération esthétique.

L’artiste voyage même jusqu’à Cuba et au Vietnam pour dénicher l’horizon idéal. Clic-clic, le cadrage sur ordinateur commence. « C’est une façon de composer des déséquilibres et, en même temps, c’est super équilibré. l’hyper réalisme peut être dangeureux, à moins d’y mettre de l’âme. Comme Vermeer. » Il ajoute : « L’organisation de la lumière est la même pour un photographe que pour un peintre ». En ce sens, il s’inscrit dans une absolue modernité.

En quête de nouvelles expériences et sensations, Magi Puig, grand admirateur de Vuillard et Bonnard, tend aujourd’hui vers une peinture en clair-obscur. Il a une belle image pour ça : « J’appele ça la lanterne magique. Comme lors des premières expériences de cinéma, c’est magique.» La Magi des frères Lumière.

MAGI PUIG
Photos : Richard Sprang